dimanche 19 mai 2013

Mgr Udaigwe, le nouvel ambassadeur du Vatican au Togo aura des oeufs sous ses crampons


Blanchiment d’argent, aumônes décapantes, séjours mystérieux
trop réguliers de Faure Gnassingbé au Siège Apostolique,
implication "suspecte" de l’Eglise catholique dans le
règlement de la crise politique… Objet de fantasmes et de mystères, l’amitié entre Lomé et le Vatican est un tabernacle bourré de secrets. Dans la foulée de la crispation sociale et politique, le pape envoie un nouvel ambassadeur…



"Votre engagement au service de l’Eglise reste pour la Secrétairerie d’Etat et pour le Saint Père un signe de loyauté et de fidélité. Sensible à votre profonde discrétion etreconnaissant pour les sacrifices particuliers consentis par vous et vos collaborateurs pendant vos fructueuses années au Bénin et au
Togo, le pape vous réitère toute sa confiance pour la prochaine mission, toute aussi délicate et complexe."
En recevant, en plus de la lettre protocolaire de fin de mission,
ce message personnel du Cardinal Tarcisio Bertone, Premier ministre et ministre des affaires étrangères du Vatican, Mgr
Michael Blum savait que sa mission particulière auprès
du Togo et du Bénin a été appréciée à sa juste valeur.

Il comprend déjà, lui qui est décrit au Saint Siège comme "un diplomate efficace et talentueux" que sa nouvelle mission d’ambassadeur en Ouganda ne sera pas "saine", encore moins sainte. Il sait user, selon les témoignages qui abondent dans les milieux diplomatiques du Vatican, de son influence " et des mots justes pour maintenir nos interlocuteurs dans la fidélité à l’Eglise". C’est dans la discrétion la plus totale que cet
Américain a contribué pendant 8c ans (un record), au renforcement des relations entre les deux états.
Et Dieu seul sait que depuis Jean Paul II, cette relation a été jonchée de secrets et de mystères et tourne autour d’intérêts matériels qui ont toujours unis si "sacrément" le Vicaire du Christ au Prince de Lomé II (domicile officiel du chef de l’Etat togolais). La mission de Mgr Udaigwe ne sera donc pas de tout repos. Le Nigerian le sait et s’y prépare sans doute.

Togo et Vatican : le ping-pongdes intérêts.

Le Nonce apostolique dans un pays comme le Togo n’est pas un ambassadeur comme les autres et il sait. Il est avant tout, comme le veut la tradition, le doyen du Corps diplomatique mais il sait surtout qu’il sera le principal garant des relations qui, au bout de plusieurs décennies, sont alourdies de secrets dont certains sont trop connus pour ne pas scandaliser. Si le cas du Togo n’est pas unique, il est certes suffisamment symbolique de la nature des relations que l’Etat de Dieu peut entretenir avec des Etats africains.
Comme avant lui Pierre Van Tot et Michael Blum, Mgr Udaigwe aura, lors de la remise de la lettre de créance un long entretien avec le président togolais, interminable tête à tête. Et sera reçu en son domicile
privé quelques jours plus tard pour un dîner. Aucun autre ambassadeur ne reçoit autant d’honneur à Lomé. Plusieurs raisons sont données à cet accueil plus que chaleureux sous les tropiques.
Pendant ce rituel en 2005, racontera un témoin, son prédécesseur a été reçu pendant près de 2h dans une cordialité détendue. Il a, à l’occasion, passé son téléphone portable au président togolais pour qu’il échange quelques mots avec Angelo Sodano, alors secrétaire d’Etat du Pape. L’ambiance était à la complicité entre deux hommes qui ne se rencontraient pourtant que pour la première fois. Et pour cause, de grands intérêts les unissent. Cette année 2013, le président Faure a déjà séjournée une dizaine de fois à Rome. D’abord pour se soigner. Fragilisé par trois graves maladies contre lesquels il lutte de toutes ses dernières forcesFaure Gnassingbé compte sur les bons médecins que lui alloue discrètement le Vatican. Après avoir démenti des rumeurs persistantes sur ses maladies puis sa mort, le président Gnassingbé a besoin du secret et de la discrétion que peut lui offrir de pareils soins et il en profite allègrement. Et à chaque occasion, de multiples rencontres avec de sulfureux "monsignore", des échanges avec la hiérarchie de l’Eglise au haut niveau et surtout, le point avec ses conseillers financiers. Disposant d’une colossale somme d’argent (entre 26 et 51 milliards cfa selon diverses sources) au Vatican, le président togolais dont le pays a perdu 81 milliards
dans l’affaire de la Banco Ambrosiano et qui a opté pour le silence est un client de marque au Royaume du Christ. C’est quoi l’affaire Banco Ambrosiano ? Nous sommes en 1982. Paul Marcinkus, Evêque américain et financier mafieux, suspect banquier aux pratiques douteuses et aux liens maçonniques évidents, avait tenté
un coup de chance entre l’Institut des OEuvres de Religieux (IOR), banque centrale du Vatican et
Banco Ambrosiano, nébuleux établissement financier catholique dirigé à l’époque par Roberto Calvi. Ils’agissait d’un investissement risqué mais qui, s’il avait gagné, remportait plus d’un milliards d’euro.
L’opération échoue, Calvi est retrouvé pendu à Londres (suicide pour les uns, assassinat pour les autres) et la lumière n’a jamais pu être faite sur sa mort. Ainsi, des économies de plusieurs congrégations religieuses s’évaporent, le Zaïre de Mobutu et le Togo de Eyadema y perdent une partie de leur dépôt. Le Vatican réussit à obtenir leur silence.
Au-delà de ce scandale, Faure Gnassingbé reste un pion important pour l’Eglise dans la sous-région, puisqu’il se dit de confession catholique et malgré sa loge éclectique de femmes, reste "pratiquant". Il s’est fâché quand, se rendant au Bénin voisin, Benoît XVI évite une escale à Lomé. Mais il se console avec l’implication de Mgr Barigah dans le processus de réconciliation, une implication partisane selon la presse locale qui accable l’homme de Dieu. Le rapport scandaleux de la société civile catholique sur l’élection de 2010 n’a été publié que plusieurs mois plus tard sous la pression des médias et la base informatique de l’opposition pendant le scrutin, qui se trouvait dans un centre catholique a été délogé par la gendarmerie togolaise. Malgré qu’il ait clamé sa colère à la suite de cette intrusion, beaucoup de Togolais pensent que Barigah est au service du régime. Et l’ancien diplomate du Vatican devenu Evêque d’Atakpamé (150km de Lomé) a du mal à prouver sa bonne foi.


Ce qu’est un Nonce apostolique…


« Que la flamme de la charité pastorale vous pousse à travailler généreusement au service de l’Église dans ces pays d’Amérique latine, d’Océanie et d’Afrique ». Ces propos du Cardinal Bertone résonnent sanas doute fort dans la tête de ces trois nouveaux nonces apostoliques qui sont prêts pour la mission. Mais quel service rendent-ils dans le pays de mission ? Samedi 27 avril 2013. En la Basilique Saint Pierre de Rome, Mgr Brian Udaigwe, nommé nonce apostolique au Bénin et au Togo, a été sacré évêque, avec Mgr Ettoreu Balestrero et Mgr Michael Banach respectivement nommés nonces apostoliques en Colombie et en Papouasie- Nouvelle Guinée. Le Cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’État du Vatican a présidé en personne la messe d’ordination. Il a conféré aux trois nonces l’ordination épiscopale, par mandat du Pape François, comme le veut la tradition pour en faire des archevêques afin qu’ils puissent avoir droit de supériorité protocolaire sur les évêques dans leurs pays de mission. Dans son homélie, le cardinal Bertone a affirmé que le «ministère normal et fondamental» des nonces apostoliques et de l’Eglise est « d’être envoyé pour soutenir les fragilités, les faiblesses et les défaites des hommes », au service du « progrès spirituel des populations ». Des exhortations qui cachent bien certains aspects de la mission de ces ambassadeurs du Christ qui ravivent l’influence de l’Eglise en Afrique et qui, sur le continent, restent les diplomates les plus convoités et les mieux accueillis. Leur double représentativité du temporel et du spirituel leur confère, dans des pays où le sacré a encore tout son sens, une puissance hors norme dont ils savent, avec une certaine fausse humilité faire l’usage au service du Vatican. Ils ont pour vocation de rapprocher les états du Saint Siège mais ausside défendre et de protéger les catholiques partout dans le monde. Ils sont avant tout des ambassadeurs comme les autres avec une double mission. Ils représentent le pape auprès de l’église locale
et des évêques mais aussi le saint Siège auprès des Etats où ils sont accrédités. Cette mission est liée à la double nature même du Saint Siège qui est à la fois un Etat (espace géographique souverain désigné par le Vatican) mais qui est aussi une entité religieuse et morale (l’Eglise catholique). Ils sont des diplomates formés à la prestigieuse Académie Pontificale Ecclésiastique. De nos jours, lenonce apostolique est un ambassadeur
extraordinaire et plénipotentiaire de première classe. En vertu des dispositions du Congrès de Vienne (1815), confirmées par l'art. 16-3 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, il possède de droit le titre honorifique de « doyen du corps diplomatique » dans l'État où il est accrédité. Il exerce au quotidien sa mission comme tout ambassadeur et entretenant des relations diplomatiques avec près de 180 Etats dans le monde et disposant d’une centaine de nonciatures, l’Eglise possède l’un des réseaux diplomatiques les plus dynamiques et les plus actifs du monde.
Le nouvel ambassadeur auradonc du boulot, disons des oeufs sous ses crampons. Les secrets entre le Vatican et le Togo étant devenus secrets de polichinelle, il doit se battre pour redonner toute sa crédibilité à une Eglise dont la voix a du mal à porter loin. S’il est appelé à sauvegarder des intérêts entre les deux Etats, il ne doit pas oublier la dimension sociale de sa mission et l’obligation de voler au secours des peuples éprouvés. Mais rien n’est moins sûr quand à Lomé, on l’attend impatiemment, évoquant déjà la possibilité d’une réception pour son anniversaire le 19 juillet s’il prend service à temps. A cette allure, il aura du mal à ne pas se salir les mains.

Amen Komi TSETSE






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